DREAMSCAPE (start 2018)

"Co-creating a photogrammetric world with participants"

Excerpt from an ongoing project incorporating Oral History methodology in dreamscape making.

 

 

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PAYSAGE de RÊVES (début 2018)

"Co-créer un monde photogrammétrique avec des participants"

Extrait d'un projet en développement intégrant la méthodologie de l'histoire orale dans la création de paysages de rêve.

 

 

Méthodologie de recherche-création

 

1) Dans une volonté d’ancrage (fieldwork) et éclairé par les propos de l’auteur et poète Edward Kamau Brathwaite (1) qui suggère que l’artiste devrait, à différentes échelles, parler de sa « famille » à travers sa production, j’ai amorcé une démarche de recensement des personnes que j’ai côtoyées ou qui ont eu un impact sur ma vie lors des derniers mois.

 

2) J’ai ensuite rencontré une vingtaine de ces personnes afin d’approfondir mon lien conversationnel avec eux. Les questions abordées, de nature ouverte (entrevue non-dirigée) furent celles-ci :

 

a. Quel est ton rêve personnel?

b. Quel est ton rêve pour la collectivité ou l’humanité?

 

3) J’ai demandé aux répondants de choisir une posture de leur choix, tout en réfléchissant à leurs réponses aux 2 questions.

 

4) Pour favoriser le maintien de la posture lors de la prise des photos pour la photogrammétrie, j'ai suggéré la fixation d'un point focal. Cet exercice, nommé « drishti », m’a été proposé par une professeure de yoga. Il permet, selon cette pratique, de focaliser l’attention et de conserver l’équilibre. La qualité de la photogrammétrie repose sur l’absence de mouvement du sujet, du photographe et de l’environnement. Le drishti a donc été déterminant en ce qui concerne la qualité résultante des modèles 3D. Il a de surcroît permis aux participants de s'immerger dans leur rêve, laissant transparaitre sur leur visage (cognition incarnée) une émotion potentiellement apparentée à leur réponse aux 2 questions (a, b) initiales.

 

5) Au terme de la prise de photos, j’ai enregistré les réponses des participants.

 

6) La clarté des enregistrements sonores a été légèrement améliorée grâce aux fonctions d’amélioration sonore du logiciel Adobe Audition.

 

7) Lorsque cela était pertinent, des photogrammétries d’objets environnant la personne ont été produites de manière à enrichir la banque de modèles et ainsi contribuer au potentiel associatif.

 

8) L’étape de production des modèles fut vaste et complexe. Par exemple, pour rendre les décors utilisables et amplifier leur aspect aérien, j’ai mis en place un flux de production (workflow) incorporant Lightroom, Recap, Mudbox, 3ds Max.

 

a. Lightroom : Étalonnage → réduction des ombres des zones claires de manière à aplanir la photo et à unifier l'éclairage.

b. Recap : Ajustement des échelles, pivots et proportions

c. Recap : Retrait des personnages ou objets des décors

d. Recap : Nettoyage (notamment remplir les trous et adoucir les bordures)

e. Recap : Décimation (réduction des triangles) des décors.

f. Recap : Exportation en format FBX

g. Mudbox : Réparation et/ou réinterprétation de la texture diffuse (Diffuse).

h. Mudbox : Production d’une texture d’opacité (Opacity).

i. Mudbox: Exportation en format FBX (embeded media).

j. 3ds Max: Importation du FBX et interprétation de l’Opacity Map (Alpha).

 

9) Sur le plan des enregistrements audio et des modèles 3D des participants, un travail associatif a eu lieu afin de lier, voire entretisser, les réponses des participants entre elles et d’associer des réponses (ou rêves) à d’autres participants. Par exemple, un gardien de sécurité a indiqué que son rêve était de devenir musicien alors qu’une 2e personne qui rêvait d’être autosuffisante en agriculture posait avec sa guitare en tant que musicien. Dans ce cas une association directe pouvait être faite entre le rêve et sa matérialisation symbolique par le biais du modèle 3D d’un autre participant inconnu du premier. Ce travail associatif (toujours en cours de réalisation) propose un portrait holistique de l’ensemble des participants en tant qu’entité se projetant dans un futur à partir d'une localisation déterminée. Il mène à une idée omnisciente et partagée du rêve, laissant entrevoir des liaisons et des connexions (maillage) entre les aspirations des personnes consultées. Des photogrammétries 3D d’objets cumulés lors d’expéditions différentes serviront à enrichir les paysages visuels et à illustrer symboliquement les rêves énoncés. Par exemple, des sculptures exotiques ont été ajoutées dans le jardin d’un participant indiquant rêver de découvrir le monde avec son conjoint, proposant une vision poétique évocatrice du rêve énoncé.

 

Réflexions sur la sérendipité associée au projet

 

Le processus de création que j’explore à travers la technique d’acquisition d’objets 3D par la photogrammétrie est fondé sur l’application d’une pensée latérale (Edward de Bono) et inductive, en opposition à une pensée logique et déductive constitutive des sciences positivistes.

 

L’effet recherché est d’ouvrir le champ des possibles en favorisant l’émergence d’idées tout au long du processus de production (et non uniquement lors de l’étape de conceptualisation). Le processus classique de production impliquant les médias numériques consiste en 4 étapes clés : conceptualisation, préproduction, production, postproduction.

 

La phase de conceptualisation sert le plus souvent à ancrer la problématique de création pour ensuite développer plus concrètement l’idée. Cette idée se manifeste de manière plus concrète à l’étape du scénario et du story-board lors de la 2e phase, celle de préproduction. L’idée générale du projet est sédimentée et sa trame narrative rigide à l'amorce de la phase de production qui s’intéresse avant tout à rendre le plus fidèlement et efficacement possible le scénario et son story-board.

 

Dans le cadre de mon projet, les phases de conceptualisation et de préproduction ont servi à jeter les grandes lignes de l’approche narrative et graphique, mais cela en sachant que des événements aléatoires et imprévisibles, des « accidents », pourraient rediriger et réorienter l’idée initiale ou son exécution.

 

Par exemple, la technique même de la photogrammétrie peut être un vecteur de sérendipité en permettant le passage d’une « entité » de la réalité tangible vers l’environnement numérique. À travers ce passage, d’heureux hasards ou « accidents » peuvent se produire. J’ai voulu profiter de ces coïncidences inattendues afin d’enrichir mon projet tout au long de sa réalisation. Par exemple, dans le cadre de ce projet, aucun environnement dans lequel apparaissent les personnages ou objets ne devait être conservé au départ. Après manipulation et nettoyage des modèles dans le logiciel Autodesk Recap, je me suis familiarisé avec le rendu graphique des environnements empreints de distorsions, d’imprécisions et d’irrégularités. J’ai constaté que ces caractéristiques leur donnaient un aspect onirique et impressionniste (rappelant Edvard Munch, William Turner ou Francis Bacon), s’éloignant de l’effet statique et contrôlé auquel on peut s’attendre avec un tel procédé. Conséquemment, mon projet s’est enrichi d’une dimension moins contrôlée (et figurative) et plus abstraite, appuyant l’idée des paysages oniriques et vaporeux associés au concept du rêve tel que révélé au fil des entrevues.

 

 

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NOTES

 

(1) Kamau Brathwaite discute de cette nécessité en relatant son rapport au territoire dans le cadre d'une conférence prononcée en 1996 (96-12-06) à l'Université Georgetown, Washington, DC.

 

 

 

Bibliographie

 

Caillois, R. (1970). L’écriture des pierres. Genève: Skira.

 

Koestler, A. (1969). The Act of Creation (The Danube éd.). Virginie: Macmillan.

 

Landreth, C. (2004). Ryan. Canada National Film Board of Canada.

 

Nünning, V., Nünning, A., & Neumann, B. (2010). Cultural Ways of Worldmaking: Media and Narratives (A. N. V. N. B. Neuman Éd.). Allemagne: De Gruyter.

 

Lachambre, S., Lagarde, S., & Jover, C. (2017). Photogrammetry Workflow, Unity (Éd.)

 

Ward, T. B., Smith, S. M., & Finke, R. A. (1999). Creative Cognition. Dans R. J. Sternberg (Éd.), Handbook of creativity (pp. 189-212). Cambridge: Cambridge University Press.