CORRESPONDANCE (2024)
"Co-creating a photogrammetric world initiated from a guided walk"
Excerpt from a correspondence between Patrick Gauvin (UQAT) and Andrée-Anne Giguère (Université Laval) between February 6 and May 24, 2024 following a heuristic walk at the McGill campus (Montreal).
Description
Research-creation integrating the guided heuristic walk into a process of exploring the territory through psychogeographic drift.
This collaborative research with the interdisciplinary artist Andrée-Anne Giguère (Université Laval) allowed for a rich and fertile dialogue based on a theme proposed by the AVEQc group (Living Arts and Ecology in Quebec): Intertwining voices and practices. We thus explored a video response to the conference question “How do you mobilize the relationship with the other-than-human in your artistic practices? ” by shaping and creating a dialogue between the objects encountered during a shared heuristic walk at the McGill campus (Montreal). By assembling the sources collected by the mean of our respective practices (the video archive for Andrée-Anne and the photogrammetric archive for myself), we produced content "to exchange" in order to give rise to a digital correspondence exploring visual and narrative ideas around the research question.
The result of the research creation was presented in the form of "video correspondences" at Laval University as part of the Colloquium Arts vivants, écologie & politique (2024-06-07).
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CORRESPONDANCE (2024)
"Co-créer un monde photogrammétrique à partir d'une marche accompagnée"
Extrait d'une correspondance entre Patrick Gauvin (UQAT) et Andrée-Anne Giguère (Université Laval) entre le 6 fév. et le 24 mai 2024 suite à une marche heuristique au campus McGill (Montréal).
Description
Recherche-création intégrant la marche heuristique accompagnée dans un processus d'exploration du territoire par la dérive psychogéographique.
Cette recherche collaborative avec l'artiste interdisciplinaire Andrée-Anne Giguère (Université Laval) a permis un dialogue riche et fertile à partir d'une thématique proposée par le groupe AVEQc (Arts vivants et écologie au Québec) : Entretisser les voix et les pratiques. Nous avons ainsi exploré une réponse vidéo à la question du colloque “Comment mobilisez-vous la relation avec l'autre-qu'humain dans vos pratiques artistiques? ” en façonnant et en faisant dialoguer les matériaux trouvés lors d'une marche heuristique commune au campus McGill (Montréal). En assemblant les sources recueillis par le billet de nos pratiques respectives (l'archive vidéo pour Andrée-Anne et l'archive photogrammétrique pour moi), nous avons produit des contenus "à échanger" de manière à faire naître une correspondance numérique explorant des idées visuelles et narratives autour de la question de recherche.
Le résultat de la recherche création fut présenté sous forme de "correspondances vidéo" à Université Laval dans le cadre du Colloque Arts vivants, écologie & politique : fabrique d'un nouveau relationnel (2024-06-07).
Analyse/réflexions
*L'analyse auto-ethnographique suivante a débouché sur une proposition acceptée dans le cadre de l'appel à contributions "Arts vivants et écologie : agir et être agi" (titre provisoire).
Dans le cadre de notre contribution artistique au colloque Arts vivants, écologie, politique présentée le 7 juin 2024 à Université Laval, nous avons opté pour la méthodologie de la marche heuristique (Ingold, 2011) afin d’aller à la rencontre du non-humain comme agent déclencheur d’un processus créatif ancré impliquant « l’agir » dans l’environnement. Prétextant réfléchir à propos du territoire et de ses habitants, nous avons plutôt découvert que c’est celui-ci qui se réfractait en nous par un phénomène que Merleau-Ponty a décrit comme la rétroversion du regard (Gennart, 1995).
Le lieu hétérotopique que nous avons déambulé à deux, en cette journée du 6 février, consistait en un vaste pan du campus McGill, lequel rappelait une mini forêt au cœur de la ville. Dans une atmosphère hivernale, cet endroit fut pour nous, et avec nous, le théâtre extérieur d’une scène parsemée de troncs d’arbres, de bancs de neige et d’écureuils agités sous un ciel aux nuages mouvants. Sur un tronc coupé s’y trouvait aussi une intrigante petite cuillère argentée, semble-t-il oubliée. Nous avons consenti à la rapatrier numériquement dans le « théâtre intérieur des écrans », ces « […] vitraux cathodiques [qui] déclinent toutes les métaphores de notre image du monde » (Fisher, 2011, p. 219)
Par une narration développée à deux, et au fil de correspondances visuelles qui ont, par induction, permis d’approfondir notre perception de l’environnement , nous avons par ce projet de recherche-création fait l’expérience de la migration d’un milieu théâtral situé (le campus McGill — in situ) vers un espace numérique virtuel délocalisé et imaginé à partir des fragments de décors recueillis par voies numériques. Des plans filmés par Andrée-Anne et des captures photogrammétriques 3D par Patrick ont facilité, par la magie de la créolisation technologique, ce passage vers le tiers-espace (Bhabha, 2007), ce lieu de traduction où les signifiants deviennent flottants (Lévi-Strauss, 1950) de manière à permettre la fabrication de nouveaux systèmes symboliques.
Comme l’exprime Ingold lorsqu’il décrit l’évolution historique du théâtre environnemental qui transformait jadis les rues de la ville en décors intérieurs à des fins de représentation de lieux divers; les médias contemporains tendent à faire l’inverse, soit à façonner nos espaces intérieurs en simulacres de lieux extérieurs. L’écran, cette fenêtre virtuelle proposant, comme des portails, l’accès à des scènes inédites, peut apparaître alors comme un lieu d’accueil sécuritaire et de partage des imaginaires qui permet, notamment par la pratique artistique, d’organiser le monde extérieur, de le renverser, de le plier « de l’intérieur ». La représentation du monde extérieur par l’écran est ainsi doublement inversée (1), jusqu’à s’apparenter dangereusement à un non-lieu où l’air que l’on respirait jadis est remplacé par une forme d’éther (Ingold, 2015) qui, par-delà l’atmosphère terrestre, est récalcitrant à la respiration, au temps et au cycle du carbone.
Résumé de la proposition
Notre proposition pour Arts vivants et écologie : agir et être agi souhaite ainsi offrir, par le truchement de l’image et du texte, une réflexion ludique et critique ayant pour objet le processus de création qui porte à l’écran lumineux le territoire opaque préalablement traversé par nos corps. Nous voulons d’abord aborder certains enjeux touchant le territoire extérieur comme lieu de vie et d’immanence créative pouvant nourrir une créativité ancrée en stimulant notre rapport au non-humain par le biais d’une forme d’immersion contemplative (Han, 2015), cela en soutenant notre capacité symbolique à respirer et à entrer en résonance (Rosa, 2018) avec l’environnement. Au mouvement haptique d’inspiration, du « laisser entrer le territoire », lequel se loge dans le corps (2) et charge nos sens, succède celui de l’expiration qui produit l’action, l’idéation, l’agir sur le monde.
À l’image du nœud dont la face intérieure se confond avec la face extérieure (Ingold, 2015), nous souhaitons dans le cadre de cette proposition s’inspirant du concept « outside-in » introduit dans le « manifeste pour une anthropologie de l’extérieur » du même auteur, témoigner de la rencontre, de l’entretissage souhaitable entre le territoire et l’espace numérique. Nous explorerons cet interstice du nœud au sein duquel l’extérieur et l’intérieur, le tangible et le virtuel, deviennent permutables de manière à permettre, comme le suggère le titre provisoire de l’ouvrage, à l’agir d’être agi.
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NOTES
(1) L’anthropologue inscrit cette idée de la double inversion par le terme outside-in en opposition à inside-out (Ingold, 2015). Il signifie le renversement intérieur que subit l'extérieur, impliquant le désir d’aller vers l’autre, le refus d’adopter une posture externe strictement analytique sur l’objet d’étude.
(2) « Un territoire coulé dans nos veines », chante Richard Desjardins (Nous aurons, Kanasuta, 2003)
Bibliographie
Bhabha, H. K. (2007). Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale. Paris: Éditions Payot.
Fisher, H. (2011). Les métaphores de l’écran. Dans L. Poissant & P. Tremblay (Eds.), Prolifération des écrans / Proliferation of screens (pp. 219-229). Québec: Presses de l'Université du Québec.
Gennart, M. (1995). La dimension esthétique de la rencontre : À propos de l’immédiateté de la présence corporelle. In R. Célis & R. Brisart (Eds.), La voix des phénomènes : Contributions à une phénoménologie du sens et des affects (pp. 277-304). Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles.
Han, B.-C. (2015). The Burnout Society. Redwood City: Stanford University Press.
Ingold, T. (2011). Culture on the ground: the world perceived through the feet. Dans Being Alive: Essays on movement, knowledge and description (pp. 33-50). USA & Canada: Taylor & Francis Group, Routledge.
Ingold, T. (2015). The Life of Lines. Londres: Routledge.
Lévi-Strauss, C. (1950). Introduction à l’oeuvre de Marcel Mauss. Paris: Presses Universitaires de France.
Rosa, H. (2018). Résonance: Une sociologie de la relation au monde. Paris: La Découverte.