LA DÉTENTE (2017-2018)
Projet de réalité virtuelle (VR) pour le HTC Vive
Ce projet VR s’inscrit dans un cadre bien délimité, celui d’un parcours, parcours à l’intérieur duquel on rejoue une histoire à partir de fragments qui y sont explorés. Ces fragments choisis sont reconditionnés par la mémoire et la pensée et réorganisés de manière à raconter de nouvelles histoires. Ils sont transposés en modèles 3D numériques afin de faciliter un tel reconditionnement. En tant que modèles 3D numériques, ils peuvent être manipulés, associés et transformés. Tels des notes de musique, leur distribution sur la nouvelle partition virtuelle peut être repensée de manière à produire de nouvelles histoires.
Avant d’être transposés numériquement, rappelons que ces objets du monde tangible possédaient déjà une histoire et une mémoire. Par leur intégration au monde virtuel, ils deviennent les acteurs d’une 2e trame narrative, cette fois spéculative, qui s’inscrit en filigrane sur la première. Ils incarnent les jalons d’un parcours ontologique, celui de l’artiste-explorateur qui, dans son jeu d’aventure, les a découvert sur son chemin et a choisi d’en conserver une instance virtuelle.
Dans la perspective de mon projet, la pratique consiste donc à raconter de nouvelles histoires ou de produire de nouveaux effets phénoménologiques à partir d’un cadre connu préalablement traversé et vécu lors d’un déplacement physique. Les objets photogrammétriques permettent plus que la réactivation d’un souvenir, plus que l’accès à des données liées à ces souvenirs. Comme ils ont été captés lors de situations de vie, ils invitent, au cours du processus de conception de l’environnement VR, à revivre (re-experience) l’expérience: « When we re-member something (from the Latin re, ‘again’, and memorari, ‘be mindful of’), we have to try to relive an experience » (Epstein, 2016).
L’association d’objets banals et ordinaires peut produire une sensation d’extraordinaire, de poétique, d'inquiétant.
En accomplissant ce travail, j’ai compris que ma recherche associative était liée à la quête d’un moment paradoxal, moment lors duquel des scènes visuelles à l’apparence banales se révèlent prégnantes. Cette idée est devenue un élément clé sur lequel je veux structurer ma pratique en lien avec l’esthétique de l’archive.
Le projet présenté se nomme La détente. Il met tout bonnement en scène un homme tondant le gazon de sa propriété et un 2e homme se reposant sur une surface rocheuse. Il manifeste la banalité du quotidien évoluant vers le troublant, le fantastique ou même le dramatique. Il se construit autour d’un fait divers qui se dévoile à travers le jeu d’association et de mise en relation des sources photogrammétriques.
Cette interprétation rappelle le concept de « fabulation » tel que décrit par Donna Haraway (Haraway, 2013) au sens où elle fait émerger la fable du réel incarné par des modèles 3D préalablement extraits du territoire sans transformation ou mise en scène. Le processus implique la construction d’un monde imaginé à partir de faits (archives 3D), évoluant vers l’univers de la fable. Le logo « SF », emblématique de la pensée d’Haraway, évoque simultanément les notions de science fact, science fiction, string figures, speculative fabulation (qu’elle traduit en français par fabulation narrative).
Le projet a été exposé au Musée de la civilisation les 7 et 8 avril 2018 à Québec dans le cadre de Les Objets du Futur.